Silverlake life - the view from here

Film

L'emploi de la vidéo, pour la réalisation de films amateurs, est devenue un usage courant. De nos jours, rares sont les familles occidentales qui ne s'y sont pas essayées. Le fait que tout événement, quel qu'il soit, puisse être filmé de cette façon est significatif à la fois du point de vue de l'éthique et du professionnalisme.
Dans SILVERLAKE LIFE, la vidéo endosse une fonction inhabituelle. En effet, lorsque son réalisateur, Tom Joslin, découvre non seulement que son partenaire, Mark Massi, est atteint du Sida, mais que lui aussi a contracté le virus, il décide de filmer l'évolution de cette maladie mortelle.
Conscient qu'il ne pourra sans doute pas achever ce travail seul, il fait appel à un ancien étudiant et ami proche, Peter Friedman, qui le terminera si besoin est. Plutôt que de se concentrer uniquement sur d'heureux événements familiaux, comme la plupart des vidéos privées, ce document est une célébration de la relation affectueuse et aimante d'un couple homosexuel, montrant comment ces deux hommes vivent l'approche de la mort. En introduisant des extraits de BLACKSTAR, un documentaire réalisé par Joslin en 1976, révélant au grand jour sa relation homosexuelle avec Mark, Friedman place le désir de Tom de relater son combat dans une perspective plus large : celle de la révolution gay et de l'hypocrisie de la société à l'égard de l'homosexualité.
Il est évident qu'un équipement moins maniable n'aurait pas permis à Joslin de capturer ces instants impromptus qui ont incontestablement leur place dans cet hommage à leur amour. Plein d'esprit, d'imagination et de détermination, SILVERLAKE LIFE va jusqu'au bout des choses. Nous suivons les deux compagnons lors de leurs visites à l'hôpital, chez le conseiller et chez le phytothérapeute, ainsi que dans les quelques voyages qu'ils peuvent faire avant que Tom ne soit trop malade pour quitter son lit. A ce moment précis, nous, qui sommes tellement habitués à voir chaque jour des morts anonymes sur nos écrans de télévision, assistons à des scènes susceptibles de bouleverser totalement notre conception de la vie privée et des médias. Images presque insoutenables de la mort de Joslin, filmées par Mark, la main tremblante et fredonnant "You are my sunshine". Intimité déconcertante d'un instant où, après la crémation, Mark, essayant de transvaser les cendres de Tom dans l'urne, en renverse sur le sol et dit : "Tom, tu es éparpillé partout".
SILVERLAKE LIFE n'est pas seulement un témoignage sur la vie avec le Sida. Son honnêteté et sa vérité crue soulèvent également le problème des limites inhérentes à la civilisation de la vidéo amateur.

Tiré du catalogue du Festival Visions du réel de Nyon, 1995