FILMS D'ANIMATION : ALEXANDRE ALEXEÏEFF & CLAIRE PARKER

lundi 30 novembre -1

Le samedi 7 octobre 1995. Dans le cadre d'une programmation spéciale "cinéma d'animation"

Alexandre Alexeïeff est né en 1901 à Kazan, Russie. Il fit ses écoles à Constantinople et à Saint-Pétersbourg. A l'âge de 17 ans, Alexeïeff quitte la Russie et s'engage comme marin au Japon, en Egypte et en Angleterre, puis débarque finalement à Paris. Il commence à étudier la construction de décors avec Serge Soudekine, avec la ferme intention de vouer sa vie à l'art. Fasciné par les mouvements d'avant-garde, il se lie rapidement au théâtre indépendant, au ballet et aux groupes de graphistes qui influencent fortement sa conception artistique : ses illustrations de livres et plus tard ses films d'animation font appel à diverses formes artistiques : littérature, théâtre, musique, danse, peinture, graphisme et design.
Dans les années 1920, il devint un virtuose, quasi-autodidacte dans le domaine de l'impression en relief et établit rapidement une solide réputation d'illustrateur de livres qui lui valut d'illustrer des auteurs célèbres tels que Gogol, Cervantes, Tchekov, Tolstoï, Dostoëvski, Apollinaire ou Poe. Avant l'arrivée du film sonore, il travailla à animer ses dessins riches en nuances, travaillant essentiellement avec le clair-obscur. Lorsque les films commencèrent à parler dans les cinémas parisiens, il se tourna vers le cinéma d'animation en espérant synchroniser ses images avec de la musique préexistante. Les oeuvres et auteurs l'ayant le plus influencé - "Le Ballet mécanique" (1924) du peintre Fernand Léger, les films abstraits de Hans Richter, le film "L'Idée" (1932) de Vikking Eggeling, Walter Ruttman et Berthold Brecht - n'utilisaient pas encore les possibilités rythmiques et la part de créativité que la musique offrait. Même la musique composée par Arthur Honegger pour "L'Idée" avait été créée une fois le films fini.
Alexeïeff discutait cette idée d'utilisation de la musique avec son apprentie, la jeune américaine Claire Parker, qui était enthousiasmée par ses projets et qui développa avec lui le premier tableau d'épingles, qui comptait 5'000 épingles mobiles.
Née en 1906 à Boston, Claire Parker joua un rôle décisif dans la vie et la carrière d'Alexeïeff. Elle fut opératrice sur cinq de ses films utilisant le tableau d'épingles. Etant donné qu'Alexeïeff ne savait pas lire la musique, Parker analysait la trame musicale et dirigeait la synchronisation. Plus tard, elle devint sa partenaire et sa femme. Alexeïeff et Parker financèrent et réalisèrent leur premier film d'animation ensemble en 1933, "Une Nuit sur le Mont Chauve", d'après un morceau de Modeste Moussorgski. Bien que le film fut encensé par la critique, il ne trouva pas son chemin dans les salles et resta restreint à un cercle étroit. Ensuite, les artistes gagnèrent leur vie en faisant des films commerciaux. Ils n'utilisèrent plus le système du tableau d'épingles ; cependant leurs films pour la publicité furent reconnus comme faisant montre d'une grande originalité et leur réputation ne fit que grandir.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Alexeïeff et Parker quittèrent Paris et emménagèrent au Mont Vernont dans l'Etat de New York, où ils construisirent un nouveau tableau d'épingles, avec cette fois un million d'épingles. Le National Film Board du Canada leur passa commande du film "En passant" basé sur la chanson populaire franco-canadienne du même-nom. La première du film eut lieu conjointement avec le film "C'est l'avion" de Mac Laren au Festival de Cannes en 1946.
Après le guerre, le couple désormais marié retourna à Paris où il produisit des courts-métrages pour la publicité, des illustrations de livres et des films d'animation avec leur tableau d'épingles. Pour le film "Le Nez" (1963) d'après une nouvelle de Gogol, ils travaillèrent deux ans.
Leur ultime film utilisant cette technique, "Tableaux d'une exposition" (1972) et "Trois thèmes" (1980) forment les premières parties d'une série accompagnant "Pictures at an exhibition" de Modeste Moussorgski. La troisième partie ne fut jamais réalisée ; Claire Parker mourut en 1981 à l'âge de 73 ans, Alexandre Alexeïeff mourut neuf mois plus tard, âgé de 78 ans. Leur héritage constitue un travail unique dans le domaine de l'animation.

Peter Mossli