No pasarÀn, album souvenir

Film

“Je fais quasiment toujours le même film. A partir de choses minuscules, j’aime découvrir des destinées.”
Henri-François Imbert

“ Le documentaire est pour moi une façon de travailler sur le politique. De la petite histoire à la grande Histoire. Sans s’abriter pour autant derrière un travail de journaliste ou d’historien.”
Henri François Imbert




Il ne faudrait pas trop perdre de vue que le cinéma a commencé par une carte postale. La “vue” Lumière n’était rien d’autre qu’une lettre de vacances encyclopédique envoyée, depuis l’autre bout du monde, par des explorateurs éclairants que l’on n’appelait pas encore JRI ( journaliste reporteur d’images). Les années passant, on s’est mis à parler d’actualités filmées, de reportage, quand, sur la bande-son comme sur la bande-image, une seule chose sautait aux yeux comme aux oreilles: l’actualité parle surtout avec la voix de son maître. Par exemple, si l’on s’en tient aux seules photographies publiées, il n’y a jamais eu de cadavres sous les ruines du World Trade Center. C’est dire si, sur la photo, il y a toujours une image qui manque. Cela pour vous avertir: "No pasaràn, album souvenir" est une histoire de cartes postales, ou plutôt une tentative d’histoire par la carte postale. C’est, de là, un documentaire de cinéma, aujourd’hui.
Fuyant les franquistes
Sans doute, s’il venait à un archiviste zélé l’envie de plonger le nez bouché dans les actualités filmées de l’année 1939, il ne rencontrerait pas foule d’images concernant les camps de concentration que les autorités françaises avaient ouverts pour “accueillir” les réfugiés catalans qui fuyaient l’Espagne franquiste en passant par les plages françaises. Et si tant est que ces actualités existent, on imagine déjà de quel côté du manche elles devaient lourdement pencher. Henri-François Imbert a évité ces films: il a remonté la trace de ces camps à partir d’une poignée de cartes postales trouvées il y a dix ans sur un marché dans les Pyrénées, à quelques kilomètres de là où se trouvaient, cinquante ans plus tôt, les camps de la honte. Quatre images tombées d’une série de vingt-neuf cartes qui montraient en silence l’exode et le quotidien des Catalans parqués là, en transit bientôt, pour certains d’entre eux, vers d’autres camps, en Allemagne.
Le filmage d’Henri-François Imbert est minimal, et c’est en cela qu’il fait son effet: si ce n’est quelques inserts sur des personnes rencontrées (qui pour la plupart, et c’est sans doute voulu, n’ont rien à nous apprendre), le film est fait de cette suite de cartes postales telles qu’Imbert les retrouve sur dix ans, au hasard du hasard, les unes après les autres. Des images qu’il ne recadre pas: le jeu pour nous, c’est de réapprendre à voir. Une actvité qui n’est plus synonyme de regarder. Et comme l’humilité d’Imbert est de ne jamais faire semblant d’avoir une quelconque avance sur nous, ses frères spectateurs, "No passaràn" nous prend par la main sans jamais la lâcher. La candeur, l’hébétude dont il se joue, est en cela géniale: sur le fil de cette voix off qui n’affirme aucun discours dominant naît une pluie de questions vives: quand peut-on dire qu’une séquence est finie? Comment ça communique deux images?
Pas envoyées
Mais plus encore que la trace, le sujet d’Henri-François Imbert reste, encore et toujours, l’héritage. On se souvient de son premier essai, "Sur la plage de Belfast", où il partait d’un film super-8 qui se trouvait à l’intérieur d’une caméra achetée d’occasion. On hérite d’images, le temps en a voulu ainsi, et il faut coûte que coûte vivre désormais avec, ne plus faire semblant de fermer les yeux sur leur existence. "Doulaye, une saison des pluies", son deuxième documentaire, était si vaudou dans l’âme qu’il se transformait presque, chemin faisant, en fiction, à l’image des contes qu’il rencontrait sur sa route. "No pasaràn" poursuit cette ligne obsessionnelle autant que vertigineuse. Où l’on apprend, en fin de course, à trouver, sur une autre plage, devant une autre mer, un destinataire à ces cartes postales des camps (que les gens ne s’envoyaient pas mais gardaient en secret chez eux). Ce destinataire, c’est nous, notre époque, et nos propres aveuglements. Faites passer l’avis de réception.
Libération, 29.10.1993, Philippe Azoury

Auteur Imbert Henri-François
Pays France
Année 2003
Durée 70'
Genre Documentaire
Version vo
Couleur Couleur
Format 35mm
Thème Deux films de Henri-François Imbert

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