Plaisirs inconnus

Film

Les rêves de pacotille d’une jeune Chine blasée

La tête haute, vêtue d'une tenue éclatante rose fuchsia et bleu turquoise, une jeune femme traverse un terrain vague encerclé par les montagnes rocailleuses du nord de la Chine. En un long plan-séquence, la caméra de Jia Zhang-ke l'accompagne dans ce décor désolé et grandiose, découvre un monticule de terre qui cicatrise au bout d'une route toute neuve. Aucune trace de travaux en cours, la construction de la route a été stoppée net. Les espoirs de la jeune génération des provinces chinoises aussi.
Pour son troisième long métrage, l'auteur de XIAO WU, ARTISAN PICKPOCKET est resté fidèle au Shanxi, sa province natale. Après PLATFORM, où il ressuscitait la jeunesse de ceux qui virent mourir Mao pendant leur adolescence, il consacre PLAISIRS INCONNUS à la génération issue de la politique de l'enfant unique, venue au monde au milieu des années 1980. Avec tendresse et humour, il se penche sur ces enfants déculturés, de dix ans ses cadets, pour qui Tiananmen est au mieux un événement historique aux contours flous. Elevés à coups d'électrochocs, au rythme des poussées erratiques du capitalisme, ils accèdent à l'âge adulte avec comme seule richesse les rêves de pacotille puisés dans les images télévisuelles venues des Etats-Unis. (...)
En plans fixes, très rapprochés, Jia filme ces êtres pathétiques et tragiques dont la présence, extraordinairement dense, infirme comme un manifeste l'indifférence feinte des personnages. Dernier bastion de la politique, leurs corps ne plient jamais. Ils se heurtent à des obstacles (Xiao Ji prend des claques, Qiao Qiao est repoussée sur sa banquette par son manager), mais recommencent le même geste jusqu'à épuisement. Trop conscients de n'avoir rien à gagner, ils s'accrochent désespérément à leur seul luxe, la liberté qu'ils ont de ne pas se rendre.
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