Blissfully yours

Film

de Apichatpong Weerasethakul
du 9 au 18 janvier

BLISSFULLY YOURS est en suspension, en lévitation, “fait la planche”.

Après un commencement où le spectateur ne cesse de s’interroger sur l’identité de ce qu’il voit à travers un semblant de narration à la fois étrange et poussive, les choses commencent après un générique jubilatoire. Ou plutôt elles cessent, pour laisser place, comme une libération, à des instants de bonheur partagés d’une simplicité absolue: corps, natures, fluidités, chaleurs se mêlent et s’entremêlent, révèlent nos sens, nous les rendent à l’écoute, à fleur de peau. Sons de rivière qui s’épanche, de la faune organique, des bruits de branches qui craquent sous le poids des personnes (peut-on encore parler de personnages?) qui s’infiltrent dans cet univers anormalement présent, juste naturel. Ici la narration n’a guère d’importance. La psychologie est renvoyée à un état primitif: s’émerveiller, se reposer, rire, pleurer, baiser en toute légèreté. Et même si cette fuite de la société et ses contraintes (il s’agit malgré tout de suivre les pérégrinations d’un réfugié birman en thaïlande… et ce n’est pas rien!), passe par ces bois libérateurs, on en oublie vite les causes et conséquences.
Ce film est en suspension, étrangement humain, où l’impression d’appartenance au monde est totale, comme une réconciliation sensuelle avec l’élément naturel (parfois hostile et envahissant comme des fourmis rouges). Là où la jouissance d’être, prend le pas sur la raison consciente, pareil à un abandon confiant à la vie. Lascivement et à la limite de l’endormissement.
Jérôme Leuba

avec Kanokporn Tongaram, Min Oo, Jenjira Jansuda