Winter, go away!

Film

Pendant 2 mois, de février à mars 2012, 10 étudiants de l’Ecole de film et de théâtre documentaireMarina Razbezkina ont capté, caméra au poing, le vent de contestation qui secouait la Russie depuis plus d’un mois. "Winter, go away", est un des slogans martelés par les opposants, en faisant brûler une petite figurine de paille symbolisant l'hiver mais également toute la classe politique liée à Poutine et Medvedev.

Petit rappel : dès le lendemain des élections législatives du 4 décembre 2011 entachées par des fraudes massives, des manifestations se sont peu à peu répandues de Moscou et de Saint-Pétersbourg vers toute la Russie. Les opposants à Poutine, puis le peuple lui-même signifiait son ras-le-bol quant à l’opacité de ce pouvoir oligarchique dirigé depuis plus de 10 ans par l’ex-membre du KGB. Le vote contesté n’était en effet que l’avant-goût des élections présidentielles prévues le 4 mars dans le cadre desquelles l’intéressé briguait à nouveau un mandat (qu’il a depuis obtenu malgré tout).

En orchestrant les différents angles d’approche adoptés par les jeunes cinéastes, le film offre une appréhension de la situation loin d’être simpliste. On suit ainsi non seulement les manifestants défilant dans les rues par un froid extrême, les chefs de l’opposition se faisant littéralement happer par des trombes de policiers alors qu’ils s’expriment face à la caméra, mais aussi un jeune artiste transcrivant cette énergie contestataire à travers des performances. Soutien incontournable du pouvoir en place, le sujet de l’église orthodoxe est abordé dans une séquence glaçante où des hommes de main menacent un groupe de contestataires qui s’approche trop de la Cathédrale du Christ Sauveur, lieu où les Pussy Riot (qui s’expriment aussi dans le film) exécutèrent leur messe anti-Poutine. Outre une scène kafkaïenne où le chef d’un bureau de vote se dérobe face aux demandes d’une commission indépendante de contrôle des scrutins, on assiste à une démonstration de dialectique pro-poutine stupéfiante : une jeune fille, arborant un smartphone à l’effigie du président, explique calmement et de manière très pédagogique à un manifestant qu’elle ne voit pas de raison de changer le pouvoir étant donné qu’elle dispose de tout ce qu’elle veut dans l’état actuel des choses.

Il ressort de ce film un instantané frappant de la Russie contemporaine, divisée entre ceux qui y trouvent leur compte et ceux qui n’en peuvent plus des inégalités héritées de la chute de l’URSS. Un document à ne pas manquer !