Fin de siglo

Film

FIN DE SIECLE est le nom de l'une des plus grandes coopératives de l'Etat de Cuba, à La Havane, qui, paradoxalement, illustre les difficultés croissantes du pays à fournir à sa population les denrées de première nécessité. Cependant, il symbolise bien davantage. Au début de leur film, Watelet et Zaleski nous montrent Fidel Castro affirmant que le socialisme n'est pas une utopie et que le socialisme cubain peut et va produire. Mais combien de temps encore cette idée sera-t-elle crédible? L'institution qui aurait dû illustrer concrètement les conviction du leader s'avère une entreprise uniquement bâtie sur les mots. La plupart des rayons de cet immense magasin sont vides et les règles stipulant les modalités d'achat imposées aux Cubains y sont plus nombreuses que les produits disponibles. Avec les registres et les coupons de rationnement, les courses deviennent une activité laborieuse et bureaucratique. Pourtant, Fin de Siglo continue d'élire, chaque mois, des ouvriers modèles, pour remonter le moral de leurs collègues. Leurs conditions de travail sont désastreuses : Le salon de coiffure n'est plus approvisionné en eau depuis huit mois. Leur vie quotidienne est sans cesse menacée par l'impossibilité latente de fournir à leur famille des repas décents. Les travailleurs expriment leurs doléances au cours de réunions prévues à cet effet. Mais comme certains d'entre eux le constatent, il est à présent très clair que ni le Parti, ni la direction, ni le syndicat ne se sont montrés capables de trouver des solutions tangibles. La plupart des départements souffrent d'un fort taux d'absentéisme et ont peu d'espoir de progrès. Pourtant, certains employés estiment que cette "période spéciale", marquée par le blocus américain auquel on impute la terrible situation économique exige encore davantage de patriotisme socialiste qu'auparavant. Ils renoncent volontiers à leurs jours de congé et travaillent dur pour avoir l'honneur de faire partie de l'Avant-Garde Nationale et afin que leur labeur obtienne une reconnaissance émanant de la Révolution et du grand Fidel Castro.
A l'exception d'un défilé de mode étriqué et drôlatique à l'extérieur du magasin, les réalisateurs ont limité leur décor au magasin lui-même, nous révélant patiemment et graduellement tous les mécanismes inhérents à cet univers kafkaïen. Sans y ajouter de commentaires, ils brossent un tableau de la coopérative, qui jette sur le monde extérieur une lumière critique, tandis que les interminables allées vides de Fin de Siglo rappellent celles d'une église vide."

Extrait du catalogue du Festival Visions du réel 1995.