Outside in

Film

"OUTSIDE IN a été commandé par la télévision allemande à Stephen Dwoskin dans le cadre de l'année des handicapés. Dwoskin filme son environnement quotidien et propose un journal filmé, une chronique qu'il aurait en permanence à portée de main. S'il lui arrive de tenir la caméra pour retenir l'attention d'un corps de femme, capter son regard, et faire tomber les masques, la plupart du temps, il passe devant la caméra (in) et, tout en se faisant filmer par un tiers (outside), dirige la scène.
Ce passage, très risqué, Dwoskin le réussit parfaitement. Aucune complaisance morbide, aucun exhibitionnisme démesuré dans son entreprise. Dwoskin ne "montre" pas son corps handicapé (le film ne reproduit pas ce geste obscène, pornographique) puisqu'il joue en permanence. C'est bel et bien un corps d'"acteur" que l'on voit à l'écran, à la fois tragique (il nous émeut) et comique (il nous fait rire, avec lui, jamais dans son dos).
Un corps souvent muet qui, par son inertie, sa lenteur et sa difficulté à se déplacer dans un plan, son instabilité et ses maladresses, est en fait, un vrai "corps burlesque". Si le corps debout est le centre de la représentation classique, l'échelle de mesure, OUTSIDE IN, à partir d'une succession de saynètes très courtes, est la fiction d'un corps en déséquilibre qui menace ou bouscule joyeusement l'ordonnance d'une scène. Après tout l'effort et le temps qu'il lui a fallu pour serrer une main, Dwoskin reste debout par la force des choses. La personne en face de lui s'assoit puis, se trouvant trop basse par rapport à lui pour lui parler, essaie maladroitement de s'installer à sa hauteur en s'asseyant sur son bureau. Se trouvant un peu ridicule dans cette position, elle s'installe comme avant. Gag génial. Quand Dwoskin entre dans un plan, les corps des autres ne savent plus où et comment se mettre. Ce qui est aussi très beau, ce sont toutes les scènes où Dwoskin croise une femme et la désire. Debout, il lâche alors ses béquilles et, s'agrippant alors à elle, l'entraîne dans sa chute.
Par d'autres biais que le Godard de SAUVE QUI PEUT LA VIE (le moment où Dutronc se jette sur Nathalie Baye), Dwoskin filme la chute des corps, décompose son mouvement (sa pesanteur et sa vitesse de sédimentation à l'image) par la répétition quotidienne de ce geste (le feuilleton) et son effeuillement. Parfois Dwoskin chute seul : debout au pied d'un lit, il se laisse tomber près d'un corps de femme, glisse et tombe lourdement sur le plancher. Cette chute fait mal, il est difficile pour le personnage, comme pour le spectateur, de s'en remettre. Mais quand il y a chute à deux (lui et une femme), il y a jeu, déploiement d'une stratégie perverse, bref, de tout un "art de la chute", savamment étudié, et qui relève précisément du cinéma burlesque. Il y a du Totò (un corps de marionnette) quand on essaie de le remettre sur pied et que ses jambes, en position de grand écart, décrivent un cercle complet. On pourrait dire aussi que le propre du "héros burlesque", c'est l'art d'éviter la chute (la sienne) tout en provocant et regardant celle des autres. Fiction, connue, du corps érectile et de la débandade. Quant à sa chute, Dwoskin ne l'évite pas (seul) qu'en la provoquant (à deux). D'où ce mélange de comique et de tragique dans ce corps filmé qui imprime chez le spectateur la secousse d'un rire traversé d'une angoisse indéfinissable.
Un très grand film. Il faut absolument qu'il soit vu."

Les Cahiers du cinéma

Auteur Dwoskin Steve
Pays Royaume-Uni
Année 1983
Durée 60'
Genre Expérimental
Version
Couleur Noir Blanc
Format 16mm
Thème LE CORPS - REGARDS DEFENDUS

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