L'omelette

Film

Après avoir travaillé sur un scénario où tout était calculé, justifié, j'ai eu le sentiment d'étouffer, d'être écrasé derrière des symboles qui ne m'appartenaient pas, des mondes imaginaires qui étaient loin, trop loin de moi. J'ai donc décidé de ne plus vouloir contrôler ce que je faisais. Mon choix était de ne plus choisir... Il fallait donner forme à l'informe, donner corps à tout ce qui m'échappait. enregistrer ce qui m'arrivait d'une façon que je croyais objective, que ce soit un événement malheureux ou non, que ce soit un moment difficile à vivre où non.
Construire, à travers mon prisme, le premier épisode d'une série grand-public, d'un film fin de siècle, un document unique sur l'air du temps et la couleur du ciel. Et surtout prendre le relais de mon père : impressionner les membre de ma famille et les entraîner dans ma course contre le temps, grâce aux bobines Super-8, les obliger à dire de façon concise, ce qui les travaillait.
Je ne cherche pas forcément à pénétrer dans l'intimité de quelqu'un, mais si cela arrive, je continue à filmer. Quand je les fais parler, je suis forcément exposé à leur vie intérieure, mais ils sont libres de tout dire ou de ne rien dire, de se mettre à nu ou de rester voilés. Ce que j'aime, c'est questionner la limite de la liberté d'autrui : vais-je m'offrir à ces inconnus ou non ?"

Rémi Lange, dans "L'armateur", n°12