Shara

Film

Dans Shara, Naomi Kawase accompagne, scrute, telle une présence familière. Les mouvements qui empreignent ses plans sont comme une série de regards participants, à la fois personnages, confidents, présences intimes, qui trouvent toujours la juste distance, la bonne mesure dans l’espace. Tout se tient selon un maillage en pointillé. Les non-dits sont des points de suspension, des creux dans lesquels les rapports humains se glissent, remettant perpétuellement en jeu toute forme de narration explicite. Chronique familiale, portrait d’une absence ou de la perte, ce film murmure, laisse les mots, la parole toujours un peu sur les bords et en dedans.

Shara cherche plus à panser qu’à penser. Il y est question de deuil et de renaissance. Le film est comme un mouvement d’affects qui trouve son pic, sa quintessence lors de la grande fête populaire de Basara. Ce précieux instant de cinéma, à la rythmique singulière, devient un passage où la foi dans la communauté, au sens large, renaît jusqu’à l’implosion de larmes torrentielles venues du ciel. A la fois preuve et lieu d’amour, la fête de Basara est ce qui fait d’un regard entre Yu et Shun le lien d’entre les liens. Tout et tous s’unissent, le père et son fils, Yu et sa mère, les uns dans et avec les autres. Le plan saisit un rien et un tout, simultanément. La vie est suggérée dans les plus petits recoins de ses blessures et de ses joies. L’euphorie grandit, monte comme une force libératrice, prête à verser sur les plaies le plus beau des sérums de vérité. Chacun y "brille de mille feux". Nous en avons les larmes aux yeux. L’intensité est si simple et presque trop évidente. Nous sommes face à l’un des plus beaux moments de cinéma.
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Jamais Kawase ne se soumet à la moindre règle, même celle qu’elle pourrait s’imposer. Elle brise sans cesse les raccords, syncope les plans. De la course entre Shun et son jumeau à Shun et Yu à vélo, perdus dans un labyrinthe de rues, immense territoire prompt au dépliage des émotions et de la vie, les juxtapositions alternent les points de vue sans l’once d’un formalisme. Le cadre bouge avec une caméra qui chérit, embarquée dans une attente et une recherche constante de proximité ; qui resserre les passés et les peines tout en les laissant fuir ; qui s’arrête devant un baiser, l’extrême prudence et délicate retenue du geste d’enregistrement devenant un moment où, irradiés par tant de beauté ténue, nous sommes presque de trop. Naomi Kawase, parfois proche de Jonas Mekas, filme une mémoire au présent. Pour le présent, pour y être, s’y installer, apaisé. Pour qu’enfin la réconciliation avec ses fantômes advienne, trouve le repos ; que ce vent qui souffle dans les ruelles, faisant teinter les clochettes des souvenirs comme des cicatrices trop cristallines, puisse enfin s’éteindre dans un dernier soupir, et laisse la place au miracle de la vie, une naissance sous le regard d’un frère qui ne remplacera jamais l’autre.
Jérôme Dittmar

Auteur Kawase Naomi
Pays Japon
Année 2003
Durée 1'
Genre Fiction
Version
Couleur Couleur
Format 35mm
Thème SHARA

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