Brother yusef

Film

MARDI 17 JANVIER 2006 : en présence du réalisateur, Werner Penzel

"Ok Brother Yusef, you can come..." Et Brother Yusef entre dans le champ, dans un paysage recouvert de neige, il entre et sa présence majestueuse emplit l’espace, suivie d’un air de jazz. Dès cette première séquence, pour ceux qui ont aimé Step across the border, on retrouve le style Penzel-Humbert, la langueur des plans, la proximité du personnage et la musicalité assumée de leur approche cinématographique.
Yusef Lateef est une légende vivante du jazz, un copain de Gillepsie et Coltrane, un de ceux qui ont aussi écrit l’histoire des noirs aux Etats-Unis en se battant contre la ségrégation et le racisme à travers leur musique. Premier professeur noir permanent de composition et technique instrumentale dans plusieurs universités américaines, Brother Yusef est entré dans la légende politique et musicale de son pays. Il habite aujourd’hui une maison isolée, sous la neige, quelque part en Amérique, une maison et un paysage qui correspondent bien à la sagesse et l’aura de cet homme, dont la vivacité musicale est encore intacte et dont l’espièglerie brille toujours dans le regard.
Les réalisateurs le filment chez lui, de près, de très près. Il parle, se souvient et puis, il joue, il joue de la flûte, de la trompette, du saxophone, du piano, en bois, en plastique, en cuivre, il compose, il chante, et on est au plus près du rythme de son cœur. « Music is about finding your own voice » nous dit-il, d’une voix limpide, essentielle et fondamentale, de cette voix chaude et rauque du sud des Etats-Unis qui nous parle et nous transperce.
Joëlle Bertossa

Gourou de John Coltrane – qu’il arracha de la drogue en l’initiant aux lectures de la Bhagavad-Gita – Lateef fut le premier, dans les années 1950, à instiller dans le jazz les gammes et les harmonies venant d’autres continents, annonçant les albums Africa Brass, de Coltrane, ou Milestones, de Miles Davis... On reste abasourdi lorsque l’auteur de méthodes révolutionnaires, comme sa Repository of Scales and Melodic Patterns, où sont répertoriées et juxtaposées des gammes apparemment inconciliables, affirme : « Après avoir passé trente ans à apprendre, un musicien doit tout oublier, afin de trouver ce son qui est le miroir de l’âme. S’il parvient à allier son cœur à sa raison, il ne sera plus effrayé par le fait de choisir entre deux notes, deux harmonies, un silence ou un cri. Son esprit le conduira à jeter le superflu pour atteindre l’essentiel. »
Paola Genone dans « L’Express » du 6 octobre 2005