Demi-tarif

Film

du mardi 14 au dimanche 19 décembre 2004

Trois enfants de 7, 8 et 9 ans, deux filles et un garçon, vivent dans un appartement en l’absence de leurs parents. Chacun est né d'un père différent. Quant à leur mère, elle passe parfois. Tourné avec une petite caméra DV, le film présente des tranches de leur vie quotidienne: petits vols à l'étalage, fraude dans le métro, leurs astuces pour esquiver les appels au téléphone, les visites d'EDF, l'école... Mais entre leurs jeux et leurs rires, les enfants livrés à eux-mêmes ne cessent d'attendre avec impatience et désespoir les rares visites de leur mère - que le spectateur ne verra jamais -, qui ne prévient jamais avant d'arriver et ne dit pas combien de temps elle restera.


Isild Le Besco:
"Aller chercher les choses simplement, trouver les choses. C’est ça le truc. C’est vrai que sur un tournage, les metteurs en scène ont souvent... Il y en a qui sortent des écoles, et qui sont donc conditionnés par ce qu’ils veulent, par ce qu’ils ont imaginé. Alors que pour moi, la seule chose qui était importante, c’était de n’être conditionnée par rien, et d’aller chercher ce qu’il se passait... Ce qu’il s’est surtout passé en fait, c’est que je n’ai pas, comme il se fait traditionnellement, fabriqué les choses, mis les choses en scène, pour les instants de la caméra, pour les instants de la pellicule. J’ai fabriqué cette chose dans son existence même, pendant trois jours ...
Je leur ai dit que je les aimais, que j’avais envie de les filmer. Que c’était important pour moi, que j’allais faire attention à eux, et ça a été le cas, d’ailleurs. Je faisais très attention à eux. Ils étaient...
Je ne voulais pas mettre de pathos, absolument pas, et dire que c’est dramatique, surtout pas. C’est comme mettre des rires sur des blagues. Je ne trouve pas ça très drôle. Je trouve ça mieux de laisser libre la personne qui voit le film, libre de penser si c’est drôle ou dramatique. Je n’ai pas voulu montrer un drame... J’ai voulu parler d’une situation qui, pour moi, a l’air comme ça... Ou plutôt de parler de ce sentiment qu’on a parfois pour des gens qui ont l’air si joyeux, et qui en fait sont habités de sentiments terribles d’abandon... Il n’y a pas de drame pour les enfants. C’est leur existence. C’est dramatique pour la personne qui voit le film, mais pour eux, ce n’est pas du tout un drame. Il y a des situations beaucoup plus dramatiques, où il y a des enfants qui n’ont pas de maison, qui n’ont même pas de frères et de soeurs, qui sont absolument seuls... Je ne voulais rien dénoncer.
Je voulais juste parler du sentiment que l’on peut avoir malgré des airs joyeux, ou d’un émoi qu’ont ces enfants... Ou de la marginalité qu’ont les enfants comme ça, à l’école. Les enfants qui sont assis derrière, qui voudraient bien ne pas l’être, qui voudraient avoir des amis... Mais qui sont à part... Même si ce n’est pas le sujet du film, j’aurais pu aussi parler des adultes marginaux, abandonnés du monde... Comme les autistes... C’est vrai que leur éducation, enfin... leur non-éducation, a fabriqué une sorte d’autisme chez les autres... Je ne crois pas que ça soit une projection... Enfin, en tout cas, le rapport qu’ils ont tous les trois, absolument liés, qu’ils s’aiment comme ça, ça vient d’une chose que j’ai vécue. Et après, il y a d’autres choses inventées, mais... Enfin, inventées... Comment dire ? Parfois on veut parler d’un sentiment, ou d’une rencontre, et on l’exagère, pour faire justement passer le sentiment qu’on a..."
Propos recueillis par Reynald Dal Barco


Libération Cinéma, 11 février 2004 - Chris Marker
Lorsque j'ai annoncé dans Libé –on a le goût du scoop, ou pas- l'émergence d'une nouvelle nouvelle vague dont Demi-Tarif serait l'A bout de souffle, beaucoup m'ont fait l'amitié d'aller voir l'objet en question, et s'en sont bien trouvés, mais quelques esprits curieux sont revenus me demander, non sans bon sens, ce que j'entendais au juste par là.
Evidemment, il n'y a ni Belmondo ni Jean Seberg, ni crime, ni poursuite, ni même le Herald Tribune, et pour expliquer que je n'avais pas ce jour-là forcé sur la vodka, il faut que je revienne sur un moment de ma vie. Le moment même où j'ai vu A bout de souffle pour la première fois. Car ce n'est pas une comparaison "film à film" que j'avais en tête, c'était une comparaison "moment à moment". Je nous revois sur le trottoir de l'avenue Mac-Mahon, c'était la fin du jour, il y avait là Agnès Varda, Paul Paviot, et quand plus tard nous avons comparé nos souvenirs, ce qui nous avait frappés c'était de nous entendre parler plus vite et plus fort que d'habitude, comme si quelque chose venait de nous arriver qui était de l'ordre de l'urgence, du message à faire passer tout de suite. En gros, ce message était "quoi que ce soit, ce qu'on vient de voir, on ne l'avait jamais vu avant sur un écran". Depuis j'avais admiré beaucoup de film magnifiques, émouvants, novateurs, mais ce sentiment physique de fraîcheur et d'urgence, ça, je ne l'avais plus jamais ressenti jusqu'à Demi-Tarif. J'avais vu, nous avons tous vu beaucoup d'enfants au cinéma, quelquefois géniaux, et filmés par des génies. Mais même les génies ne peuvent pas oublier d'être des adultes et de filmer les enfants, en quelque sorte, en plongée. A la glorieuse époque du cinéma militant, j'avais un jour expliqué à mes camarades ouvriers que les vrais films sur leur condition, il faudrait qu'ils se décarcassent pour les faire eux-mêmes, parce que les vrais films sur les pingouins ne seraient convaincants que le jour où un pingouin saurait se servir d'une caméra. Cette métaphore animale avait bien plu, et je l'ai retrouvée dans pas mal de commentaires de l'époque. Et nous y voilà : grâce à la caméra DV, les pingouins ont pris le pouvoir, et ce côté "vie des bêtes" du film d'Isild –mes amis savent que c'est de ma part un immense compliment- nous permet de voir ce qu'on n'avait jamais vu, les enfants comme ils sont entre eux, quand il n'y a aucun regard d'adulte, même bienveillant, même subtil, pour modifier la chose filmée. D'où un autre péril: que d'autres s 'exclament "mais c'est tout simple, on n'a qu'à leur mettre une caméra entre les pattes, et on aura à volonté l'enfance que vous réclamiez, l'enfance brute… " Ceux-là, il faudrait qu'ils fassent l'effort d'imaginer le travail, la somme du travail par lequel une jeune fille vivant encore dans l'écho de son enfance a trouvé le talent et l'énergie de reconstruire, avec d'autres enfants, dans des lieux choisis et organisés, selon un rythme et un style qui sont à elle, pas au hasard ni à la chance, des moments d'une vie encore assez proche pour qu'elle y fasse passer la vibration de la vérité captée, et déjà assez éloignée pour qu'elle sache en mesurer les pleins et les déliés. Ce n'est pas de la télé-réalité que nous offre la môme Le Besco, ni cette autre idiotie qu'on a appelée cinéma-vérité, c'est un vrai travail de metteur en scène, et c'est la naissance, qu'on aime le
mot ou non, d'une artiste.

Auteur Le Besco Isild
Pays France
Année 2004
Durée 63'
Genre Fiction
Version vo
Couleur Couleur
Format 35mm
Thème

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