Twentynine palms

Film

Twentynine Palms, nom d'une petite ville américaine au coeur du désert californien, prête son cadre à la chronique de la vie amoureuse et sexuelle d'un couple d'américains qui, au hasard d'un repérage mené pour les besoins d'un reportage photographique, sillonent le désert en voiture.

Le désert de Joshua Tree est à la fois un catalyseur de pulsions (il exprime ce qui est enfoui au plus profond des personnages) et un générateur de sensations (il inspire la peur, la plénitude, l'harmonie, la dissension). Son immensité frappe d'emblée David et Katia. Sa puissance, sa beauté organique et mystique les impressionnent. A son tour, le spectateur est touché par la peur de l'infini. Bientôt, le couple s'accommode de cette puissance. La confrontation avec le désert permet un véritable retour à la nature, une explosion des sens. Katia marchant pieds nus, on ressent l'asphalte brûlant, la poussière, la pierre. Et, minuscule point perdu dans un monde minéral, le couple peut se consacrer tout à soi. Un sentiment d'harmonie naît, symbolisé par la scène où l'homme et la femme sont allongés nu sur un rocher, les yeux grand ouverts. Le plan subjectif sur un soleil blanc, éblouissant, brûlant, est magnifique. A ce moment précis, l'infini de l'univers se connecte avec l'infini de leur amour. Chacun fait aussi la (re)découverte de sa bestialité. L'épisode où David s'accroupit pour faire passer de la terre entre ses mains est à cet égard d'une ambiguïté remarquable. Sa position, ses gestes provoquent la sensation trouble de faire face et à un homme et à un singe. Les nombreuses scènes de sexe, bien sûr, participent du rejaillissement de l'animal. Si l'acte est brutal, il est le plus souvent joyeux et frénétique. En ce sens, le désert de Californie révèle une humanité moins abjecte que celle des Flandres. La nature humaine se réduit toujours autant à une peau de chagrin - quelques instincts, mais ceux-ci ne sont pas forcément viciés.
Il s'agit d'éliminer toute dramaturgie, de filmer le quotidien. Chaque séquence paraît interchangeable et ne vaut que par rapport à celle qui la précède et celle qui la suit. Une sorte d'hypnose s'opère. Et le spectateur d'adopter le temps du couple, de partager entre autres ces moments d'éternité, climax d'une relation autarcique que rien, semble-t-il, ne pourra perturber.

Matthieu Darras