L´humanite

Film

L’Humanité, nous parle, "non pas de la quantité des hommes, mais bien de cette possible qualité morale de l’individu: le sentiment de bienveillance pour autrui."
Dans une petite ville rurale du nord de la France, on suit Pharaon, personnage aussi improbable que son prénom; un homme-éponge (essorage non compris) qui absorbe de ses yeux inexorablement écarquillés, l’humanité (la quantité des hommes), ses crimes et ses souffrances. Il est “humble et reprend sur lui le mal d’autrui et souffre sans fin de cette sympathie“ selon le réalisateur. Une compassion poussée à l’extrême qui lui donne le regard fixe (mort?), qui l’empêche et nous empêche, de fermer les yeux (c’est peu de le dire) sur ce qui est inhumain, le viol d’une fillette de 11 ans, par exemple.
En suivant Pharaon, on suit aussi Domino. Rien à voir avec la James Bond girl (bien qu’elles aient le même prénom) si ce n’est, peut-être, qu’elle est objet de désir, incontestablement.
Pour en revenir à la peinture, par le biais de Domino, il faut noter la référence directe au tableau de Gustave Courbet “L’Origine du Monde” (1866). Toile érotique, au parcours mouvementé, qu’on retrouve dans les années 50, chez le psychanalyste Jacques Lacan, qui n’en réservait l’accès, dit-on, qu’à quelques initiés.
Outre Domino, vecteur de cette référence, les premières minutes du film méritent qu’on s’y attarde un peu. Non seulement, on expérimente une forme de persistance rétinienne, mais on reste marqué, jusqu’à la nausée, par ce qui serait plutôt, la face souffrante de l’origine du monde de Courbet. D’une œuvre qui invitait à l’érotisme, Bruno Dumont en fait, ici, l’écho de la barbarie que cela peut engendrer. Serait-ce l’origine de “l’inhumanité“ selon Dumont ? La question reste ouverte, car dit-il "en définitive la seule morale qui compte vraiment face à un film est celle du spectateur."
Quoiqu’il en soit, l’indifférence n’est pas de mise.
“Si le fond du discours reste flou, il force le respect. Le propos du film, de toute façon, peu aimable et encore moins consensuel, reste néanmoins marquant et nous poursuit longtemps après sa vision, plantant son coin de fer rouillé dans la banquise de nos cerveaux “ dixit Didier Péron in Libération.
Christine Hoffet